
|
Arutam soutient aussi...
les Indiens Arhuacos !
|
SOULEVEMENT DES QUATRE PEUPLES
AUTOCHTONES
DE LA
SIERRA NEVADA DE CHUNDWA (SANTA MARTA)
KAGGABA,
IKU, WIWA, KAKACHUKWA
Déclaration
de
SIMONARWA, COLOMBIE, le 21 juillet 2006
Dans nos villages existent encore les Mamos. Ces
anciens connaissent notre propre histoire et nos
traditions. Ils nous content le passé comme s’il
s’agissait d’événements récents. Ils veillent et font
des offrandes pour que tout soit bien et sans
contretemps. Nous veillons et maintenons nos
traditions sur notre Territoire Ancestral délimité par
la Ligne Noire tel qu’il est stipulé dans la
Résolution n°000002 de 1973 et modifiée par la
Résolution n°837 de 1995 du Ministère de l'Intérieur.
Cette Ligne Noire passe par
les Sites Sacrés que nous avons toujours célébrés et
délimite notre Territoire Ancestral remis par notre
Mère comme l'héritage du passé pour le présent et le
futur. Pour nous, la Sierra Nevada (la Montagne
Enneigée) représente une Ville Spirituelle, notre rôle
est de la veiller, d'en être les gardiens ainsi que
celui du Monde. La Montagne est ce que nous voyons,
sentons et connaissons depuis notre naissance, depuis
que nos ancêtres nous ont donné vie et nous en sommes
à l’origine. Nos pères et nos mères spirituels nous
ont donné pour mission de préserver la Sierra Nevada.
Toutefois, aujourd'hui la responsabilité de sa
préservation appartient à tout le monde.
Nous avons œuvré pour que le gouvernement et la
civilisation [moderne] respectent les traditions
millénaires des peuples de la Sierra Nevada et
prennent en compte les pensées des habitants de
cette Kankurwa (maison sacrée) qui est un corps vivant
et complet dont nous prenons soin. Jamais, nous ne
pourrons le céder, si nous voulons qu'il continue à
fonctionner pour le bien de toute l'humanité. Si nos
traditions disparaissent, nous perdrons la possibilité
de veiller sur le monde et de maintenir son équilibre,
nous ne pourrons pas éviter que le soleil s’éteigne et
nous devrons alors vivre ce que personne ne désire.
Notre concept de développement repose sur
l'accomplissement de la Loi Originelle, sur la
nécessité de retrouver notre vrai Tani, ordonnateur et
possesseur de la science, tel que nos premiers pères
et mères nous l’ont laissé en guise de constitution.
La richesse ne nous intéresse pas. Notre raison d'être
consiste à prendre soin de la vie. Quand nous parlons
de Notre Territoire, il ne s'agit pas d'un terrain
inculte, mais de son caractère sacré symbolisé par les
grands pics et les grands sommets.
Toutes ses hautes montagnes de la Sierra Nevada sont
des Mamos [chamans]. Ce sont les géniteurs de tout ce
qui existe. Et c’est à eux que nous adressons nos
offrandes, afin qu’ils veillent à préserver la vie.
Ces pics sont de grandes villes, de grands temples,
plus ou moins hauts de tous les peuples du monde, les
mères et pères de tous les continents et de tous les
pays. Ici, les gouvernements sont représentés
par des sommets.
Si les
gouvernements prenaient conscience de leurs origines,
ils ne porteraient pas atteinte à ces véritables
reliques qui nous ont désigné comme leur gardien.
Ainsi, nos Mamos ont vu la nécessité d’avertir
l'humanité entière de leur préoccupation quant aux
répercussions qui résulteraient de la disparition de
la Sierra Nevada en tant que cœur du Monde. Depuis la
conquête espagnole, voici plus de 500 ans, les Blancs
imposent leurs lois et croyances. Pour nous peuples
indigènes, cela a signifié l’extermination, la
destruction, l’humiliation, l’esclavage, la
profanation et le pillage de nos Sites Sacrés. Nous
sommes encore là, dans notre Sierra Nevada et nous
souffrons. Cette souffrance perdure et s'intensifie
car actuellement Notre Territoire vit sous la menace
de ceux qui ne connaissent pas nos traditions
spirituelles millénaires.
Aujourd’hui, nous sommes maltraités du fait de
multiples intérêts politiques et économiques qui
mettent en danger nos Territoires. Nous sommes
victimes de la répression qu'exercent les acteurs
armés, légaux et illégaux, initiateurs de grands
projets concernant Notre Territoire et contraires aux
accords signés entre le Gouvernement et nos
Organisations Autochtones. Depuis la conquête, nous
subissons des pressions exercées par des religions
envahissantes, des modèles éducatifs et médicaux
imposés par le Gouvernement, lesquels méconnaissent ce
qu’est l’éducation, la santé et un Territoire Sacré.
À
l'heure actuelle, il existe un plan d'exploitation des richesses
hydrauliques de la Sierra Nevada comprenant
la construction de sept barrages. Deux de ces projets
ont déjà commencé. Le barrage sur la rivière Ranchería
est en construction avec des machines et génère des
mouvements de terre dans des Sites Sacrés. Le barrage sur la rivière
Guatapurí dans le secteur de Los Besotes [en
amont de Valledupar] est dans la phase de mesures
topographiques. Dans le cas du barrage de Ranchería,
le peuple Wiwa ignore les supposés accords dont le
gouvernement a besoin pour développer ce type de
projet en territoire autochtone. Et dans le cas de Los
Besotes, un village fort de 40 familles résiste et
espère que le Gouvernement et ses partenaires
étrangers renonceront à la réalisation de ce projet.
Ces barrages font partie d’un plan ambitieux
d'aménagement des terres au pied de la Sierra Nevada
en vue de établir des monocultures industrielles.
Cette proposition nuit à nos Territoires et augmente
la dégradation de nos Sites Sacrés. Elle empêche
nos peuples de continuer ses travaux spirituels et ses
offrandes pour maintenir l'équilibre du monde.
De plus, nous avons constaté avec beaucoup de
préoccupation, que beaucoup de compagnies étrangères
recherchent et exploitent les métaux précieux et
autres ressources naturelles de notre Territoire, tout
comme les colons qui ont détruit les forêts et ont
peuplé nos Territoires sacrés avec l’agriculture et le
bétail en y faisant des fumigations chimiques. Ainsi
des colons et des étrangers ont extrait la plupart de
nos reliques [ossements ?] et nos richesses naturelles
qui, transformées en argent, sont prêtées pour nous
laisser sans terre.
Nos montagnes sont également attaquées et se
retrouvent face à une grande menace de la société
civile par le biais du Gouvernement National. Des
antennes ont été implantées sur certains sommets
sacrés parmi les plus importants, comme c'est le cas
pour le Mont INARWA. D’autres sont prêtes à être
construite à cause du Traité du Libre Commerce (TLC)
récemment signé entre la Colombie et les Etats-Unis.
La construction de ces antennes est une grande menace
pour la survie de nos peuples et de nos cultures. Pour
nous, la construction de ces antennes sur ces Collines
Sacrées sont comme des couteaux plantés dans notre
cœur. L'acceptation de projets de transports massifs
comme les aéroports et les téléphériques constitue une
violation à notre Loi Originelle qui s'ajoute aux
perspectives d'exploitation touristique de notre
territoire. Par conséquent, nous ne sommes pas
d'accord et nous ne le permettrons pas dans notre
Maison Sacrée.
Nous sommes des victimes sans défense du conflit
interne armé que vit la Colombie. A cause de
l'effusion de sang dans notre Maison Sacrée, les
acteurs armés, légaux et illégaux profanent, violent
et ne respectent pas les Sites Sacrés à offrandes, la
nature, l'eau et l'air. Les victimes sont des
autochtones, mais aussi nos petits frères (les non
autochtones), de sorte que la vie elle-même est
bafouée.
Nous voyons aussi avec préoccupation la proposition du
Gouvernement d'acheter des terres à l’intérieur de la
Ligne Noire pour les offrir aux groupes armés illégaux
qui déposeraient les armes [appelé offre de
réinsertion]. Nous avons été clairs sur le fait que
nous ne voulons pas de ces personnes dans nos
territoires ancestraux. Nous acceptons seulement les
personnes en réinsertion appartenant à un de nos
quatre peuples. Nous leurs donnerons un traitement
juste en accord avec notre propre justice et
tradition.
Quant à notre gouvernement et à notre tradition,
toutes les autorités doivent travailler en accord avec
les Mamos, comme par exemple les enseignantes et
enseignants de toute branche qui doivent maintenir le
contact avec le mamo et non seulement avec le système
imposé par le gouvernement colombien qui ne garantit
pas la continuité de nos coutumes, de nos traditions
et par conséquent de Notre Culture. Ainsi, le système
d'éducation étranger à notre culture, les religions
issue de la Conquête constituent des doctrines
qui induisent une dégénérescence de notre cosmogonie
et de notre spiritualité.
Toutes ces menaces et agressions font que beaucoup
d’autochtones doutent du côté positif que peut
apporter le développement à notre propre culture.
Celles-ci violent l’article n°169 de l'OIT et l'Accord
International des Droits Économiques, Sociaux et
Culturels de l'ONU, lesquels nous protègent en tant
que peuples ancestraux contre des actions externes
pouvant nuire à nos modes de vie culturels et
organisationnels spécifiques.
En résumé, les quatre peuples autochtones de la Sierra
Nevada de Chundwa (KAGGABA, IKU, WIWA, KAKACHUKWA)
sommes unifiés par une seule pensée et une seule voix
pour proclamer la violation de Notre Territoire et de
Notre Culture Ancestrale et demander l'accomplissement
et le respect de nos droits collectifs et
fondamentaux.
Nous exigeons du Gouvernement colombien au niveau
national et régional, des organismes multilatéraux,
des agences internationales de coopération et autres
sociétés publiques et privées ayant des intérêts
politiques ou économiques dans la Sierra, de
s'abstenir d'avancer sur des projets et des
interventions qui affectent notre intégrité ethnique
et territoriale, selon les principes et les critères
posés dans ce document. De même, nous les incitons à
reconnaître et à prendre pour modèle la Vision de
l'Ordre Ancestral Territorial, notamment selon le
principe du consentement préalable, libre et éclairé,
en cas d’intervention dans notre Territoire Ancestral.
Nous sollicitons l'appui de la société civile, des
gouvernements, des organisations autochtones,
sociales, des Droits de l’Homme ou
environnementalistes du Monde entier, afin de
préserver nos traditions spirituelles millénaires et
nos territoires, et, de cette manière continuer
d’accomplir notre but : maintenir l'équilibre du
Monde.
Signé
par
les autorités traditionnelles et politiques
des quatre peuples de la Sierra Nevada de Chundwa :
Le Peuple
Arhuaco (Iku) : 27 000 habitants approximativement
Le Peuple
Kankuamo (Kakachukwa) : 15 000 habitants
approximativement
Le Peuple
Kogui (Kaggaba) : 22 000 habitants approximativement
Le Peuple
Wiwa : 15 000 habitants approximativement
POUR SOUTENIR NOS ACTIONS,
ADHEREZ A ARUTAM
Cotisation
annuelle : 30 Euros
Association
Arutam
Chemin de
Vermillère
84160 Cadenet -
France
|